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Les chroniques de l'exclusion

POÉSIE - SLAM - ROMAN Les chroniques de l'exclusion : c'est le titre du livre dont je finalise l'écriture actuellement. C'est un roman qui traitera d'homophobie parentale, de rejet mais aussi de l'histoire d'amour fusionnelle entre deux adolescents que la vie a rapproché malgré leurs craintes respectives.

Le Padre

 

Padre,

 

Je ne sais pourquoi je pense à toi, au beau milieu de la nuit, toi que j’ai à peine connu dans ma plus tendre enfance. Est-ce cette fascination aveugle et sourde que je ressens en pensant à toi qui me fait sortir de mes songes brumeux, de mes rêves chatoyants ? Car oui le Padre, j’admets avoir le secret désir d’en savoir plus sur toi, l’homme qui a fuit son pays et le franquisme après avoir combattu ces mêmes fascistes pendant des années, toi qui n’est parti que pour sauver ta peau, sans retour, sans envie de revoir les tiens que tu as laissé à jamais derrière toi. Certains diront que tu étais un lâche, d’autres, ils sont peu, te pourfendent en héros.

 

Parce que oui Padre, tu possèdes des nuances d’un courage imperceptible, incompréhensible pour les tiens que tu as laissés là bas en Catalogne ou ailleurs, comme pour le mien de Padre, lui que tu as lâchement abandonné avec sa mère après sa naissance, alors que tu étais en sécurité en France avec eux. Eux que tu as plongés dans une vie de nomade, tel le vagabond que tu étais, obligés de passer de villages en villages aux grés des travaux que l’on leur confiait, et des curés qui voulaient bien s’occuper plus ou moins d’eux. Toi-même qui vomissais cette curaille !

 

Mais malgré cela Padre, je ne cesse de penser à toi, toi qui a fait le choix d’abandonner ta nationalité espagnole à ton arrivée dans ce pays, que pourtant tu n’idolâtrais guère, cette France qui te paraissait d’un idéal hautin et faux, et de ce général qui t’inspirait autant de méfiance qu’il ne t’avais donné de la force une décennie plus tôt. Qui sait pourquoi je pense à toi, l’homme que je n’ai connu que quelques années de mon enfance, lorsque mon père t’a retrouvé dans la misère et t’a aidé, recueilli, par amour ou par pitié, je ne l’ai jamais su. Pourquoi, le Padre tu hantes soudain mes nuits, alors que je n’avais pas songé à toi depuis mon enfance ?

 

Car oui le Padre, je pense à toi, quand je vois mes origines, les miens se déchirer pour une région d’un côté, pour un pays de l'autre. Je pense à toi quand à chaque repas de famille, ton sang se déchaine autour de cette épineuse question de l’indépendance, entre pour et contre, entre royalistes et républicains, entre tout ces mots contraires que j’aimerais te voir arbitrer, le Padre, toi le Républicain Espagnol qui a pris les armes contre le franquisme, toi le catalan qui a combattu pour l’Espagne, toi qui es parti si dégouté par ce pays que tu as fini par le renier de ta mémoire. Padre, je te le demande, du champ de bataille où tu es retourné, éclaires mes pensées en cette nuit troublée de souvenirs.

 

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